Siège de la conscience, coordinateur de vos fonctions vitales, gardien de vos sens… Le cerveau en fait des choses formidables sans que toutefois vous n’en ayez conscience. C’est fascinant ! Les plus grands cerveaux de notre monde tentent si désespérément depuis des décennies à comprendre comment ce même organe, des espèces les plus rudimentaires à l’Homo Sapiens, fonctionne. Brainception !
Je vous propose donc d’appréhender cette semaine quelques troubles neurologiques forts intrigants… Des troubles qui pourraient presque être cocasses s’ils n’étaient pas si handicapants pour les personnes touchées.
Le membre fantôme est un trouble très médiatisé. Je n’ai presque pas besoin de vous décrire ce qui en est la cause ni la souffrance que ressentent ces patients. Non, vous avez déjà dû le voir au cinéma, à la télé… Mais faisons « comme-si » voulez-vous ?
Ainsi, la première étape au développement de cette douleur chronique est l’amputation. Le « pourquoi du comment » on en vient à amputer un membre est ici secondaire. En effet, cela n’a pas d’incidence sur le développement ou non de douleurs du membre fantôme. Sachez seulement, pour votre culture personnelle, que les accidents (de moto,domestiques, de travail, …) ne représentent que 20% des amputations pratiquées. Le reste étant dû à diverses pathologies (ex :gangrènes, ischémies, diabète).
La première chose qu’il ne faut pas confondre, ce sont les douleurs fantômes et les douleurs du moignon. En effet, ces dernières sont ressenties au niveau du membre lésé. Ce sont des douleurs communes suite à un acte chirurgical, qui font directement suite à la destruction tissulaire. D’autres douleurs peuvent aussi être ressenties plus tard, mais sont généralement secondaires à une prothèse inadéquate, à des frottements ou encore des blessures du moignon.
A contrario, les douleurs du membre fantôme se font sentir dans la partie manquante de l’anatomie du patient. Mais pourquoi ?
Les hypothèses émises historiquement sont nombreuses, allant du trouble psychiatrique à ce que l’on sait maintenant, un trouble neurologique. Les études faites chez l’animal comme chez l’Homme montrent désormais une réorganisation cérébrale dans les heures suivant l’amputation. Cela veut dire que le cerveau est capable de s’adapter très rapidement en redéployant les neurones d’un réseau désormais sans fonction (ex : les neurones qui servaient à la sensibilité de la main avant amputation), pour leur attribuer une nouvelle tâche (ex : sensibilité faciale). Cette théorie du remapping explique notamment pourquoi, en touchant certaines parties du corps, les patients peuvent sentir une pression sur le membre amputé : il y a ici un amalgame entre la nouvelle fonction du réseau neuronal, et celle qu’il avait avant l’amputation. En effet, pour garder le même exemple,en se touchant le visage le cerveau peut interpréter qu’on touche le membre amputé, et la douleur intervient.
Thérapie de la boîte au miroir
Si le cerveau est piégé dans son interprétation, due aux retours sensoriels qui lui font croire que le membre amputé est toujours là, pourquoi ne pas s’en servir pour réduire cette douleur ? Dans certains cas, la douleur est comparable à celle que l’on pourrait ressentir lors d’une contraction permanente et très forte des muscles du membre amputé.Cette thérapie consiste à mettre les deux membres (ex : les deux mains) dans deux compartiments d’une boîte séparés par un miroir. L’intérieur du compartiment où se trouve le membre amputé est non visible, mais le patient peut regarder à l’intérieur du compartiment où l’autre membre se trouve. Et grâce au miroir, il a l’impression de voir son autre membre entier !
La première étape est donc de demander au patient de regarder dans le compartiment visible et de serrer au maximum les poings. Et après un certain temps, de relâcher… Et voilà. Le cerveau voyant son membre amputé se détendre, la douleur disparaît.
Magie ? Remède miracle ? Non. Malheureusement, cela ne fonctionne pas à tous les coups. Et cette théorie ne permet d’ailleurs pas d’expliquer tous les cas de membres fantômes (ceux qui sentent des brûlures, qui sentent leur membre bouger,…). Pour cette théorie unificatrice, il va encore falloir quelques nouvelles idées et beaucoup de recherches.
Comme quoi, le fonctionnement de notre cerveau nous échappe encore totalement…
Charles-Antoine Papillon