L’aversion pour la nourriture est bien difficile à étudier puisqu’elle varie entre chaque individu. Mais pour comprendre ce qu’il se passe dans nos petites têtes quand un aliment nous dégoûte, les experts français ont dû choisir celui qui semble en répugner plus d’un : le fromage. Pourtant ce n’est pas la diversité qui manque en France, puisque notre pays est celui qui offre le plus grand nombre de variétés de fromages (près de 1600 me dit-on dans l’oreillette !).
Bref. Vous l’avez compris, le fromage a été désigné matériel principal pour l’expérience d’une équipe lyonnaise et parisienne (INSERM – CNRS – Université Claude Bernard Lyon 1 – Université Jean Monnet – UPMC). Les questions concernant l’odeur dans leurs couloirs resteront sans doute sans réponse donc laissez libre court à votre imagination.
Le fromage, plus ragoûtant que le poisson ?
Avant de mettre en place le protocole expérimental, 332 personnes (145 hommes et 187 femmes) ont préalablement classé une liste d’aliments selon leurs goûts, sur une échelle de 0 à 10 (le dégoût représenté par les scores compris entre 0 et 3).
C’est alors que la sentence tombe pour le fromage : 11.5 % d’entre eux lui font la grimace (score de 0 à 3) et 6% le détestent réellement (score de 0 à 1), alors que seulement 6% n’aiment pas le poisson et près de 3% reculent devant un plat de charcuterie. Notons de plus que parmi les réticents du fromage, 18% se sont déclarés intolérants au lactose et que pour 47% d’entre eux ils n’étaient pas les seuls à refrogner avant le dessert au repas de famille. L’amour du fromage se transmettrait-il donc ?!
Quelle fût la méthode mise en place ?
Lecteurs inquiets, rassurez-vous, les chercheurs n’ont pas forcé les participants à manger du maroilles à la petite cuillère. Pour étudier ce qu’il se passe dans leur cerveau, 15 personnes appréciant le goût du fromage et 15 personnes qui s’avèrent en être dégoûtées ont été soumises à des IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) tout en étant confrontées à l’odeur et l’image de :
- Produits fromagers : roquefort, cheddar, fromage de chèvre, gruyère, parmesan et tomme
- Autres produits alimentaires servant de témoins : concombre, fenouil, champignon, pâté, cacahuètes et pizza (non, pas la 4 fromages… Rhô !)
Les participants devaient à chaque fois indiquer s’ils appréciaient ou non la douce odeur qui leur était soumise et s’ils avaient ou non envie de croquer dans l’aliment présenté.
Et donc, qu’est-ce qu’il se passe dans le cerveau d’un dégoûté du fromage ?
L’équipe française a observé, chez les aversifs du frometon soumis à une odeur et à une image du produit laitier star de l’étude, l’inactivité du pallidum ventral, une structure cérébrale qui s’active habituellement chez les individus qui ont faim. Alors, vous allez dire : logique. Oui sauf que… Ce pallidum ventral s’avérait activé lorsque ces participants humaient l’odeur des autres aliments témoins – l’appétit n’était donc pas inexistant.
Lorsque l’on raffole d’un produit alimentaire le globus pallidus et la substantia nigra sont deux aires du cerveau qui sont activées ; elles participent au fameux circuit de récompense. Curieusement, ces deux régions cérébrales ont été activées chez les individus aversifs au fromage contrairement à ceux qui le dégustent. Ce résultat troublant semble indiquer que, paradoxalement, ces régions connues pour être impliquées dans le circuit de récompense seraient également sollicitées lors d’un stimulus de dégoût.
Hypothèse des chercheurs : ces aires cérébrales comporteraient deux types de neurones aux actions complémentaires, l’une liée à la récompense et l’autre à l’aversion.
Ecœuré face à ce coquin qui se fait la malle sur le plateau ? Sachez qu’au fond ça vous procure un peu de plaisir.
Marion Guillaumin