Ce ne sont pas des poux que les experts cherchent dans la tête, mais du mercure. S’accumulant dans notre organisme, le mercure est un puissant neurotoxique représentant donc un fort enjeu de santé publique. Pour la première fois, des chercheurs – du CNRS, de l’Université de Bordeaux [1], Université Grenoble Alpes [2], de l’ESRF, et de l’Université de l’Illinois à Chicago – ont développé des techniques d’analyses permettant d’identifier l’origine et la date de contamination ainsi que les formes chimiques de mercure présentes dans les cheveux.
Du mercure, où ça ?
Le mercure fait partie de la liste des 10 produits chimiques qui préoccupent le plus l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en raison de ses effets toxiques sur les systèmes nerveux, digestifs et immunitaire. Très mobile dans l’environnement (volatil), le mercure, de source naturelle ou anthropique, est un métal qui s’intègre dans la matière organique et dans les processus métaboliques sous forme méthylée.
Au quotidien, nous y sommes tous confrontés principalement par :
- La consommation de poisson – l’activité bactérienne en milieu aquatique entraîne la formation de mercure très toxique qui se concentre dans toute la chaîne alimentaire du milieu.
- Les amalgames dentaires (ce qu’on appelle communément le plombage)
- Certains vaccins contenant du thiomersal (un composé du mercure)
Ce sont donc ces 3 expositions essentielles auxquelles sont soumis les êtres humains.
Dangereux à partir de quelle quantité cumulée ? Tandis que l’EPA (Environmental Protection Agency) préconise une dose réglementaire limitée à 0.7 μg/kg/semaine, la norme européenne semble être 2.5 fois supérieure.
Pourquoi le détecter ? Et comment on fait ?
Identifier la provenance d’une contamination au mercure est crucial pour évaluer le risque toxicologique et traiter efficacement l’empoisonnement. Jusqu’alors, les scientifiques surveillaient le degré d’absorption du mercure via la concentration de celui-ci dans les urines, le sang et les cheveux. Or, cela ne permet pas d’identifier l’origine et la date d’exposition.
Sauf que… Tadam ! Une nouvelle étude [3] débarque dans la communauté scientifique et présente un réel progrès technologique !
Grâce à une instrumentation sur rayonnement synchrotron, les chercheurs sont parvenus à relier la structure chimique du mercure à la source de contamination. Alors que les études antérieures supposaient que le mercure présent dans les cheveux provient uniquement de la consommation de poisson, cette technique montre que ce n’est pas toujours le cas. En effet, les expériences menées à Grenoble ont mis en évidence qu’il est désormais possible, en analysant les cheveux de l’individu contaminé, de distinguer les différentes expositions. Leur technique d’analyse permet de dater l’exposition à un ou deux jours près et d’obtenir la précision de la structure moléculaire du mercure dans les cheveux. Ainsi, à partir d’une mèche de cheveu, les chercheurs peuvent différencier le mercure issu du poisson ingéré, celui présent dans les amalgames dentaires, dans les vaccins mais aussi dans l’air.
Outre cette belle avancée dans la Recherche sur le mercure, cette nouvelle instrumentation semble ouvrir la voie à des applications médico-légales, les sciences de l’environnement et des matériaux.
Marion Guillaumin
Notes :
[1] Laboratoire Environnements et paléo-environnements océaniques et continentaux / Institut européen de Chimie et de Biologie
[2] Institut des sciences de la Terre
[3] Manceau A., Enescu M., Simionovici A., Lanson M., Gonzalez-Rey M., Rovezzi M., Tucoulou R., Glatzel P., Nagy K.L., Bourdineaud J.P. (2016) Chemical forms of mercury in human hair reveal sources of exposure. Environmental Science & Technology.
Pour aller plus loin :
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4705.htm?theme1=5
https://www.franceinter.fr/emissions/la-une-de-la-science/la-une-de-la-science-23-septembre-2016